Le bourgeois qui n’est pas gentilhomme

Lundi 07 Mai 2018-00:00:00
' Dr Nesrine Choucri

Dans sa pièce de théâtre «Le bourgeois gentilhomme», Molière met en scène un certain Jourdain qui cherche à acquérir les manières des nobles. Une pièce très satirique de Molière qui avait pour objectif d’attaquer l’ambassadeur turc en France à l’époque. Jourdain qui n’est pas noble cherche à se faire anoblir par tous les moyens. Une pièce de théâtre qui rappelle l’histoire d’Ayman Nour, issu d’une famille bourgeoise et qui rêvait de pouvoir. Nour est né dans une famille aisée d’avocats. Il semblait être fait pour la gloire. Marié à Gamila Ismaïl, l’une des plus belles animatrices de la télévision égyptienne des années 90, Nour a vite gravi les échelons. Il est même devenu député au Parlement égyptien et a mis en place son propre parti « Al-Ghad » (Demain). Et, il est devenu rédacteur en chef de l’organe du parti. Membre de l’Ordre des avocats, du Syndicat des journalistes, et député, il cumule les postes et la fortune. Mais, pas la satisfaction. La  réussite, loin de le satisfaire, attise ses convoitises. Il se voit en président de l’Egypte. En 2005, il ose se présenter aux élections présidentielles égyptiennes face à l’ancien président Hosni Moubarak. A l’époque, il arrivait encore à manipuler une partie des Egyptiens en se montrant comme le héros indomptable qui n’a pas eu peur de faire fi au régime. Et, il a usé de toutes les astuces pour redorer son blason et pour se montrer comme étant « le messager de la démocratie », voire même « le délivreur ». Sauf qu’il n’a pas su garder cette image très longtemps. Il s’engage dans des conflits internes au parti et finit par se retirer de la scène politique. Il n’y participe que par des discours courts et tonitruants. Des mots et encore des mots. Aucun acte réel. Lorsque la révolution du 25 janvier 2011 éclate, Nour pense avoir trouvé une chance pour s’afficher. Malheureusement, la révolution ne sert pas ses desseins. C’est vrai qu’il fait un retour sur les écrans de télévision. Mais, juste un retour fade parce que d’autres figures plus jeunes ou encore à mouvance islamiste contrôlent le devant de la scène. Nour est donc relégué au rôle de second degré et il ne parvient pas à restaurer l’image du candidat numéro 2 qui a tenu tête à Moubarak en 2005.

Avec l’arrivée des Frères Musulmans au pouvoir, Nour veut revenir dans les rangs de l’opposition. Une opposition plutôt docile que réelle. Mais, la vérité sur Ayman Nour ne sera révélée au grand public qu’après la révolution du 30 juin 2013. Au lieu de se soudoyer avec la majorité des Egyptiens pour faire face au régime terroriste de Morsi, Nour a commencé à attaquer Al-Sissi et l’Armée. Puis, il s’est échappé pour se réfugier d’abord au Liban, puis dans des pays hostiles à l’Egypte. Lors de son séjour au Liban, il livre des interviews à plusieurs chaînes privées et les Egyptiens sont choqués de voir l’opulence et le luxe dans lequel il vit. Pour se défendre, Nour explique qu’il a hérité une fortune de ses parents. Une raison qui ne paraissait pas assez logique pour beaucoup d’Egyptiens. Se rendant dans des pays hostiles à l’Egypte, l’ancien avocat devient le PDG de la chaîne Al-Charq, une tribune pro-Frères Musulmans et anti-Egypte. Un choix qui en dit beaucoup sur ses véritables intentions envers son pays. Aujourd'hui, 11 employés de cette chaîne réclament de rentrer en Egypte après l'avoir accusé directement de s'emparer de leur argent et d'être "paranoïque", selon leurs propres termes.  Mais, ces scandales ne s’arrêtent pas là : Nour ne paye pas ses employés alors que des documents sont divulgués pour montrer que l’argent qui devait être versé au personnel a été détourné pour des «raisons incompréhensibles ». Mais, l’ancien avocat ne se remet même pas en question : il dépasse toutes les limites et appelle la police turque pour répondre fortement à la colère des employés qui gronde dans les locaux de la chaîne Al-Charq. Des fuites audios révèlent un homme sans cœur et brutal.  L’image du « héros » se ternit, elle est vite remplacée par celle d’« un homme sans scrupules ».  Beaucoup d’Egyptiens voient en lui un charlatan. Un homme qui a tout fait pour s’emparer du pouvoir et de l’argent. Nour qui chante sur tous les toits, sa passion et son attachement à l’Egypte, cherche aujourd’hui à obtenir la nationalité turque.

Après tant de mésaventures, le bourgeois n’est pas vraiment gentilhomme, et ses efforts pour s’anoblir et s’emparer du pouvoir s’avèrent vains. Pas seulement vains, mais aussi absurdes. Absurdes car au fil des années, il s’est lui-même tordu le cou par ses mensonges et son arrivisme.

A suivre …